Si la liquidation d’une petite succession ab intestat (sans testament) et sans patrimoine immobilier peut se faire sans l’intervention obligatoire d’un notaire, l’usage et la loi font de ce professionnel l’acteur central du règlement successoral dès que le patrimoine prend une certaine consistance ou complexité. Le notaire est un officier public dont l’intervention est requise pour garantir la sécurité des transactions et la protection des héritiers.
Le critère fondamental : la présence d’un bien immobilier
L’obligation de recourir à un notaire est systématique dès lors que l’actif successoral comprend un bien immobilier (maison, appartement, terrain, immeuble de rapport). Cette obligation découle du régime de la publicité foncière en France. Seul un acte établi par un notaire – l’attestation immobilière de propriété – permet de constater le transfert de propriété du défunt aux héritiers et de le publier auprès du service de la publicité foncière. Cette publication est absolument nécessaire pour que le transfert soit opposable aux tiers. Sans cet acte, les héritiers ne pourraient ni vendre le bien, ni l’hypothéquer, ni même en disposer légalement. Ce critère, érigé en obligation par l’article 710-1 du Code civil, est la cause la plus fréquente de l’intervention notariale, y compris pour les successions modestes. La non-exécution de cette formalité rend la situation juridique de l’immeuble précaire, ce qui justifie l’intervention d’un professionnel garant de l’authenticité des actes.
Les actes nécessitant la forme authentique
Outre la présence d’immobilier, le notaire est indispensable pour établir certains actes sans lesquels la succession ne peut être valablement liquidée. L’un des plus courants est l’acte de notoriété (Article 730-1 du Code civil). Cet acte, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire, prouve la qualité d’héritier du requérant et la vocation successorale de chacun. Il est obligatoire si le montant de l’actif successoral brut est supérieur ou égal à 5 000 €. En dessous de ce seuil, une simple attestation sur l’honneur signée par l’ensemble des héritiers peut suffire pour débloquer les comptes bancaires ou percevoir de petites sommes, mais elle n’a pas la même force probante.
De plus, l’intervention du notaire est requise pour l’application ou la vérification de toute disposition de dernière volonté. Si le défunt a laissé un testament (olographe, authentique ou mystique) ou s’il a consenti une donation entre époux (donation au dernier vivant), le notaire doit intervenir. Dans le cas du testament olographe, il procède à son ouverture, à sa vérification formelle, et à son dépôt au rang de ses minutes. Il est également chargé de s’assurer que ces libéralités respectent les droits des héritiers réservataires (enfants, conjoint survivant), et d’organiser, le cas échéant, l’action en réduction si la quotité disponible a été dépassée.
Enfin, si les héritiers s’entendent pour réaliser un partage amiable des biens de la succession (c’est-à-dire attribuer à chacun un bien défini plutôt qu’une quote-part abstraite), le partage doit être constaté par un acte notarié si la succession comprend un bien immobilier, ou si les héritiers le souhaitent pour des raisons de preuve et de sécurité.
La gestion des enjeux fiscaux et légaux complexes
Même en l’absence des critères d’obligation formelle (pas d’immobilier, moins de 5 000 € d’actif), le notaire demeure le conseiller indispensable pour les situations complexes :
L’établissement de la déclaration de succession : Cette déclaration fiscale est obligatoire si l’actif brut dépasse 50 000 € ou si le patrimoine comprend des biens immobiliers, même en l’absence de droits de succession à payer. Elle doit être déposée dans les six mois du décès sous peine de pénalités. Le notaire est le professionnel le mieux placé pour évaluer les biens, calculer l’actif net taxable (après déduction des dettes), et imputer les abattements et exonérations applicables, réduisant ainsi le risque d’un redressement fiscal.
Succession internationale : Si le défunt possédait des biens à l’étranger ou était de nationalité étrangère, la complexité du droit international privé rend l’intervention notariale essentielle pour déterminer la loi applicable (Règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions).
Successions conflictuelles : Face à un désaccord ou un blocage des héritiers, le notaire est le médiateur naturel. Il formalise la convention d’indivision ou, en cas d’échec de l’amiable, il prépare les éléments pour l’assignation en partage judiciaire devant le Tribunal Judiciaire, évitant aux parties d’avoir à gérer seules une procédure lourde.
En résumé, l’obligation formelle de passer par un notaire est circonscrite à la présence d’immobilier ou à l’existence d’actes de dernières volontés. Cependant, la complexité intrinsèque de la transmission de patrimoine, la nécessité d’établir la preuve de la qualité d’héritier pour tout actif dépassant 5 000 €, et l’impératif de respecter les délais fiscaux font du notaire un maillon quasi incontournable dans la très grande majorité des successions françaises. L’éventuelle économie réalisée en gérant seul une succession simple est souvent bien inférieure aux risques juridiques et fiscaux pris.