Dans le cadre de la transmission de patrimoine, il existe des mécanismes complexes qui, bien qu’ils ne revêtent pas la forme d’une donation classique, peuvent être requalifiés comme tels par la jurisprudence et l’administration fiscale. C’est le cas des donations indirectes et des donations déguisées, deux notions distinctes mais souvent confondues. Comprendre leurs différences et leurs particularités est crucial pour sécuriser une transmission et éviter les litiges.
Points communs entre donation indirecte et donation déguisée
Ces deux types de donations partagent plusieurs caractéristiques fondamentales qui les distinguent des donations classiques faites par acte notarié.
Absence de forme solennelle : Contrairement à une donation traditionnelle qui exige un acte notarié (selon l’article 931 du Code civil), les donations indirectes et déguisées se réalisent à travers des actes juridiques qui n’ont, à l’origine, pas pour but de donner. Leur validité repose donc sur leur fond et non sur leur forme.
Caractère de libéralité : Elles présentent les trois éléments constitutifs d’une libéralité, à savoir l’appauvrissement du donateur, l’enrichissement du donataire et surtout, l’intention libérale (l’intention de donner).
Conséquences juridiques et fiscales : Si elles sont avérées, ces donations sont soumises aux mêmes règles que les donations ordinaires. Sur le plan civil, elles sont présumées rapportables à la succession (pour maintenir l’équité entre héritiers) et réductibles si elles portent atteinte à la réserve héréditaire. Sur le plan fiscal, elles sont passibles des droits de mutation à titre gratuit.
La donation déguisée : un acte sciemment frauduleux
La donation déguisée est un acte onéreux (payant) qui, en réalité, dissimule une donation. Elle repose sur la simulation, c’est-à-dire une tromperie consciente. Le donateur et le donataire s’entendent pour masquer leur intention libérale derrière un acte qui semble légal et sincère, comme une vente ou un prêt.
Le but de cette manœuvre est souvent de nature fiscale (éviter les droits de donation, plus élevés que les droits d’enregistrement sur une vente) ou successorale (avantager un héritier au détriment des autres).
Un exemple classique est celui d’une vente fictive. Une personne vend un bien à un proche, mais le prix n’est jamais réellement payé, ou est secrètement remboursé à l’acheteur. Si cette intention frauduleuse est prouvée, l’administration fiscale peut requalifier l’acte en donation déguisée et imposer non seulement les droits de donation, mais également de lourdes pénalités, pouvant atteindre 80 % des droits éludés au titre de l’abus de droit.
La donation indirecte : la subtilité d’un acte sincère
À la différence de la donation déguisée qui repose sur le mensonge, la donation indirecte se réalise à travers un acte juridique sincère et réel, dont la forme n’a pas pour vocation première d’être une donation. L’avantage patrimonial est une conséquence de l’acte, et non l’objet d’une dissimulation.
La jurisprudence ne définit pas la donation indirecte de manière exhaustive, mais la reconnaît dans diverses situations. Il est plus simple de la comprendre à travers des exemples concrets :
Vente à un prix minoré : Un parent vend un bien immobilier à son enfant à un prix nettement inférieur à sa valeur réelle. La différence entre la valeur du bien et le prix payé peut être considérée comme une donation indirecte.
Paiement pour autrui : Un parent paie la dette de son enfant ou une acquisition immobilière à sa place, sans intention de se faire rembourser.
Renonciation à un droit : Une personne renonce à un usufruit ou à un legs, permettant ainsi à une autre personne d’en bénéficier. Si cette renonciation est motivée par une intention de gratifier le bénéficiaire, elle peut être qualifiée de donation indirecte.
Le risque principal de la donation indirecte réside dans le fait qu’elle peut être réalisée sans que le donateur n’ait pleinement conscience des conséquences juridiques de son acte. Si l’intention libérale est prouvée par les héritiers ou l’administration, elle peut être soumise aux mêmes règles de rapport et de réduction que toute donation.
Les risques spécifiques et les subtilités
La qualification d’une donation en indirecte ou déguisée dépend avant tout de la preuve de l’intention libérale.
Pour la donation déguisée, il faut prouver la simulation, le déguisement de l’acte sous un titre onéreux.
Pour la donation indirecte, il faut démontrer que l’acte, bien que réel, visait à procurer un enrichissement à autrui avec une intention de donner.
L’assurance-vie est un exemple courant de risque de requalification en donation indirecte. Bien que le contrat ne soit pas une donation en soi, il peut l’être si le souscripteur, au moment de la désignation du bénéficiaire, se dépouille irrévocablement de son vivant, sans conserver sa faculté de rachat.
En cas de litige, il incombe à l’administration fiscale ou aux autres héritiers d’apporter la preuve de l’intention libérale, qui est laissée à l’appréciation des juges. L’encadrement juridique de ces notions est en constante évolution, notamment avec l’élargissement de la notion d’abus de droit.
Pour sécuriser la transmission de son patrimoine, il est toujours recommandé de consulter un notaire qui saura conseiller la forme juridique la plus appropriée et transparente.